Hebdomadaire Rivarol, défense et illustration d’une langue de haine
Pour qui veut comprendre ce qu’est l’antisémitisme idéologique et saisir en quoi consistent les arguments les plus hostiles à toutes formes de législation contre le racisme et l’antisémitisme, il peut être utile de lire l’éditorial de Jérôme Bourbon paru le 22 janvier 2020 dans l’hebdomadaire Rivarol, dont il est le directeur depuis 2010. La haine y est à la fois calculée, codée et explicite. Elle y apparaît également sous un jour paranoïaque, par la réclamation, à cor et à cri, du martyr, c’est-à-dire de la sanction par la loi… qui ne vient pas – ou pas assez.
Un lobby et des complots
C’est un texte qui offre à lire un antisémitisme « chimiquement pur », pour reprendre une expression employée il y a quelques mois par les signataires d’une tribune, au sujet du faussaire négationniste Robert Faurisson, « mort sans avoir jamais connu un seul jour de prison ». Sous prétexte d’attaquer la proposition de loi contre les contenus haineux sur Internet, dont la députée Laetita Avia est la rapporteure, Jérôme Bourbon dresse un tableau crépusculaire de la France. La proposition de loi en question lui apparaît précisément comme l’une de ces armes de destruction massive des libertés individuelles et de l’âme française. Il faut noter que la dénonciation des lois « liberticides » – comprendre ici les lois contre le racisme et l’antisémitisme – constitue un mantra de cette publication.
La définition d’un contenu haineux ? Elle tient en quelques mots : « c’est tout ce qui déplaît au lobby juif en général et à la LICRA et au CRIF en particulier. » Tel est le leitmotiv, depuis plusieurs décennies, de ceux qui s’évertuent à personnifier l’objet de leur haine et qui réactualisent finalement, à travers la puissance prêté à ces deux organisations – et à quelques autres –, le célèbre faux des Protocoles des Sages de Sion. Cette vision fantasmée d’entités qui contrôleraient le pouvoir et joueraient le rôle d’une police de la pensée – et dont on a pu constater, ces derniers temps, à quel point elle était partagée par une partie de l’extrême gauche – est tout simplement délirante. Elle relève du complotisme le plus élémentaire et rappelle, s’il en était besoin, qu’il constitue le principe le plus actif de l’antisémitisme.
Compte Twitter de Rivarol, 4 décembre 2018
En réalité, celle ou celui qui pose ses yeux sur la une de cette dernière livraison de Rivarol aura été fixé(e) à ce sujet par la seule lecture d’un des titres à la une : « Derrière l’escalade entre l’Iran et les États-Unis l’ombre du Mossad ». La rédaction doit-elle prendre le soin de laisser planer un doute en ajoutant un point d’interrogation ? Absolument pas, car de doute, il n’y en a pas chez Rivarol : le Mossad est aux opérations extérieures ce que le CRIF est à la gestion souterraine des affaires intérieures de la France. Ils forment ces forces occultes qui œuvrent à mettre les gouvernements et les hommes en coupe réglée.
« On ne pourra plus rien dire »
Pour bien comprendre ce que Jérôme Bourbon voit dans les « libertés » prétendument menacées, il faut se reporter à la lettre. Laetitia Avia, explique Bourbon, vise « les injures discriminatoires à raison de la race, de la religion, de l’ethnie, du sexe, de l’identité de genre, de l’orientation sexuelle, du handicap. » Un citoyen ayant la tête normalement faite devrait théoriquement opiner de celle-ci, tout au moins quant au principe simple de ne pas tolérer l’injure. Le directeur de Rivarol ne voit pas les choses ainsi et le fait savoir en ces termes : « Autrement dit on ne pourra plus rien dire sur les réseaux sociaux. » Il faut donc bien insister sur ce qui est affirmé ici : si l’on ne peut plus se livrer à des « injures discriminatoires », « on ne pourra plus rien dire ». La lecture pourrait s’arrêter là car, d’une certaine manière, tout est dit. Il vaut pourtant de la poursuivre pour mieux appréhender l’univers intellectuel/mental particulier du rédacteur et de son lectorat. Dans quel monde vivent en effet ceux qui souffrent de ne pouvoir laisser davantage libre cours aux « injures discriminatoires » ? Car ne plus rien dire, ajoute Bourbon, c’est par exemple ne plus pouvoir « faire siennes les positions de Robert Faurisson sur l’histoire de la Seconde Guerre mondiale », puisque le législateur a eu le malheur d’en faire un délit d’antisémitisme. Pensez… nier l’existence des chambres à gaz, de l’antisémitisme ! Les manigances juives n’ont vraiment aucune limite…
La même frustration existe pour Israël, au sujet duquel, rien ne peut décidément être dit. Il faudrait toutefois que Jérôme Bourbon explique ce qu’il entend par l’impossibilité de « critiquer fortement la politique de l’entité sioniste ». S’il veut parler de la critique de la politique des gouvernements israéliens, il sait bien qu’elle est des plus libres. Et s’il veut s’en convaincre, qu’il entre dans une librairie ; qu’il se promène sur la toile, consulte les médias mainstream, peu amènes à l’égard de l’État hébreu ; qu’il aille, même, au cinéma, comme l’a montré, il y a peu, la sortie en salle d’un film militant, totalement à charge contre Israël, sans que cela ne déclenche la moindre foudre du côté du CRIF ou de la LICRA. À moins que le directeur de Rivarol ne se plaigne de ne pouvoir injurier davantage qu’il ne le fait déjà… C’est sans doute ce qu’il faut entendre par « critiquer fortement ».
Nuremberg ou le péché originel
Le vrai problème de la loi Avia, ça n’est pas, pour Bourbon, le dispositif du retrait en vingt-quatre heures des contenus, qui suscite bien des oppositions. Le problème, ce sont, dans leur finalité, les lois qui sanctionnent l’injure, la diffamation, la provocation à la haine, la discrimination et la violence racistes. Et pour mieux éclairer son propos et sa position fondamentale, Jérôme Bourbon nous offre un voyage dans le temps. Le mal originel, à ses yeux, vient du procès de Nuremberg : « Toute cette idéologie anti-discriminatoire qui détruit nos défenses immunitaires, s’en prend à la nation, à la famille, à la religion, à la civilisation, à nos traditions les plus légitimes et les plus immémoriales, à la vérité, à la nature, au Créateur, a en effet été sacralisée à Nuremberg (…) » On sait que le procès de vingt-quatre responsables du Troisième Reich se tint, du 20 novembre 1945 au 1er octobre 1946, dans cette ville où avaient été proclamées, en septembre 1935, les lois de Nuremberg. Et c’est donc sur cet événement capital que Bourbon concentre son tir. Pour quelles raisons ? Tout simplement parce que Nuremberg signifie pour lui le stade ultime de la criminalisation du nationalisme.
L’éditorial de Rivarol convoque alors l’un de ceux qui, les premiers, attaquèrent la « justice de Nuremberg », et libère tout son sel : il ouvre sur un éloge pur et simple de Maurice Bardèche (1907-1998). C’est en 1948 que le beau-frère du collaborationniste Robert Brasillach, fusillé le 6 février 1945, publie son essai Nuremberg ou la terre promise (Les Sept couleurs). Nuremberg incarne pour Bardèche la justice des vainqueurs, une justice d’autant plus inique qu’elle s’avère rétroactive : elle crée et met en application le délit de crime contre l’humanité qui n’existait pas au moment des atrocités commises pendant la Seconde Guerre mondiale. La responsabilité du national-socialisme est lourdement établie, si bien que Bardèche estime que c’est le nationalisme, en tant qu’idée, qui est plus largement condamné : la justice de Nuremberg a jeté l’opprobre sur toute volonté de défendre sa terre, son peuple, ses racines, son sang…
Jérôme Bourbon approuve et ne tarit pas d’éloge sur Bardèche, transformé pour la circonstance en Nostradamus : l’écrivain aurait pressenti, dès 1948, la PMA, l’immigrationnisme, la préférence étrangère, les accords de Schengen ou encore la monnaie unique… toutes ces ferments de destruction antinationaux.
Réhabiliter Bardèche
Il faut préciser que Bourbon a cité Bardèche le visionnaire sur deux pleines colonnes de son hebdomadaire. Une citation fleuve d’un livre qui fut définitivement condamné en 1954, pour apologie de crime de meurtre, et passé au pilon (on pourrait d’ailleurs s’interroger sur ce qui a autorisé Alain Soral à le rééditer dans sa maison d’édition, Kontre Kulture, en 2016). Car en fait de défense du nationalisme, Bardèche fait tout simplement l’apologie du nazisme – et Jérôme Bourbon le sait très bien, lui qui, de son côté, a plus d’une fois rendu hommage à Adolf Hitler, quand il disposait encore d’un compte Twitter (suspendu en février 2019). Ainsi la citation pourrait-elle passer pour une leçon de philosophie politique si elle n’était pas toute entière dévolue, en filigrane, à dédouaner le national-socialisme.
Dans ce livre que certains spécialistes, telle que l’historienne Valérie Igounet, tiennent pour l’un des ouvrages fondateurs du négationnisme, on peut lire, notamment, le propos suivant : « Si la délégation française [au procès de Nuremberg] trouve des factures de gaz nocifs, elle se trompe dans la traduction et elle cite une phrase où l’on peut lire que ce gaz était destiné à l’’extermination’, alors que le texte allemand dit en réalité qu’il était destiné à l’’assainissement’, c’est-à-dire à la destruction des poux dont tous les internés se plaignaient en effet. » (p. 133) Maurice Bardèche écrit aussi, dans le contexte le Guerre froide naissante : « Il nous faut choisir d’avoir les SS avec nous ou chez nous. » (p. 270) Il estime aussi que « si certains Français furent déportés en même temps qu’eux [les juifs], c’est parce qu’ils avaient accepté ou qu’ils avaient paru accepter la défense de la cause juive. » (pp. 187-188).
Bardèche fut condamné en son temps par la justice française pour sa légitimation des crimes nazis. C’est à l’aune de cette réalité qu’il faut lire la défense du nationalisme à laquelle prétend se livrer Jérôme Bourbon, en citant un si long extrait de son livre, qu’il a toutefois lesté de quelques passages. Celui notamment où Bardèche explique que Nuremberg a disqualifié le nationalisme et où il imagine la profession de foi suivante, portée par la génération post-Nuremberg : « Je ne serai jamais raciste, j’aimerai bien M. Kriegel-Valrimont [député communiste, vice-président de la Haute Cour de justice], je maudirai éternellement les SS, Charles Maurras et Je Suis Partout. » (p. 53) Les SS, Je Suis Partout, certes, mais Charles Maurras… ? Jérôme Bourbon sait-il que le théoricien du nationalisme intégral, lui-même condamné pour intelligence avec l’ennemi et trahison à la Libération, a publié sous pseudonyme dans Aspects de la France, le 3 février 1949, une critique acerbe de l’essai de Bardèche, où il affichait tout son mépris pour celui qui avait déployé tant de zèle, dans son opus, pour laver l’honneur des nazis ?
Maurice Bardèche devant la XVIIe chambre correctionnelle du Tribunal de grande instance de la Seine, 22 janvier 1951
Jouir de l’apocalypse
En masquant ce que Bardèche doit au nazisme, Bourbon veut faire croire à son amour sacré de la France qu’il décrit en proie à la tyrannie et privée des moyens de se défendre. Las, le nationalisme en était un… C’est l’occasion pour lui de tirer à boulets rouges sur l’une de ses cibles favorites, Marine Le Pen, qui a dévoyé la cause, et de fustiger cet antifasciste suranné qui s’est dressé contre Jean-Marie Le Pen, au moment de l’élection présidentielle de 2002. Bourbon se gausse de cette jeunesse soumise au « Dogme holocaustique », qui défilait avec des panneaux portant les mentions : « Souviens-toi de 1933 » ou encore « Le fascisme ne passera pas ». Ah, cette jeunesse décérébrée, soumise au bourrage de crâne… L’accusation est cocasse quand elle vient sous la plume de celui qui a rendu, quelques lignes plus tôt, un hommage si appuyé à un chantre du nazisme.
On passera sur l’appel à la résistance « contre les invasions étrangères » ou « l’occupation », les références méprisantes à l’égard des « mémoriaux de la Shoah, les murs et les plaques recensant les patronymes des déportés ». Tout cela a vocation à interpréter le « requiem pour nos dernières libertés » que constituerait la loi Avia. Tout cela sert à hurler à l’encontre des lois liberticides, à la destruction programmée de la France… et, finalement, à exister, idéologiquement.
Rivarol, en sursis ?
Il faut encore ici rappeler que Rivarol a été créé en 1951, quelques années après la Seconde Guerre mondiale. Qu’il a accueilli les plumes d’anciens collaborationnistes ou vichystes. Lucien Rebatet, Pierre-Antoine Cousteau, Albert Fabre-Luce ou encore Marcel Jouhandeau, comptèrent parmi ses contributeurs de renom. Rivarol a paru sans discontinuer depuis près de 70 ans. À dire vrai, on ne voit pas très bien de quelle censure se plaint son directeur qui y déverse très librement son fiel depuis des années. Quelques milliers d’exemplaires, une présence en kiosque, une diffusion sur abonnement… Bourbon et ses collaborateurs peuvent se victimiser à souhait : rien ne les empêche de clamer, semaine après semaine, leurs obsessions racistes et antisémites, celles que le média MEMRI (Middle East Media Research Institute) a pu récemment épingler dans une édifiante synthèse.
Quelques procès pour contestation de crimes contre l’humanité, pour provocation à la haine raciale et négationnisme. Quelques affaires qui, mêlées à cette auto-victimisation aussi ronflante que constante, permet à la direction de faire des appels aux dons et aux legs, et de maintenir une activité éditoriale que rien n’est venu, jusqu’à présent, véritablement entraver.
Il serait temps de lire…
Les parquets ne lisent pas Rivarol ; autrement cette publication aurait disparu depuis des lustres. Enfin… si la loi contre le racisme et l’antisémitisme était réellement efficace. Car les termes de la haine sont choisis et il n’est pas dit que les magistrats n’en fassent pas une interprétation littérale. Au final, Jérôme Bourbon apporte la preuve que rien ne menace réellement sa conception très personnelle de la liberté d’expression. Naturellement, il souhaiterait probablement en dire plus, « critiquer plus fortement », mais qu’il se rassure : ses pages où il dénonce le lobby juif, les complots, la religion de l’Holocauste – et ce qu’elle a de visiblement « caustique », la valeur de Faurisson ou celle de Bardèche, sont en vente libre, en France. Il existe décidément pire, comme tyrannie ou comme police de la pensée.
Il faudrait, en cette période où beaucoup s’interrogent sur ce qui définit un contenu haineux, apporter certaines précisions. En réalité, les écrits d’un journal comme Rivarol ne sortent pas de nulle part ou de l’air du temps. Ils s’inscrivent dans la continuité d’une histoire, d’une mémoire, d’un courant politique, de traditions : cet environnement, cette toile de fond ne sont pas neutres et ils comptent. C’est à la lueur de leur épaisseur historique qu’il faut saisir les idées vénéneuses qui y fleurissent. Et c’est aussi en considération de notre époque, où des personnes sont assassinées, en France et ailleurs, du fait de leurs seules origines, réelles ou supposées, qu’elles prennent consistance. Cette époque est celle d’une recrudescence plus générale des actes antisémites, dans un contexte où l’on vérifie, attaques après attaques, que les tueurs antijuifs ne croient pas à la Shoah ou qu’ils estiment qu’Hitler n’était pas allé assez loin, que les théories du complot baignent leur esprit…
De quelle liberté d’expression parle-t-on finalement ici ? De celle de pouvoir injurier librement et copieusement. La focalisation des débats actuels sur les réseaux sociaux est indispensable mais elle ne doit pas faire écran au fait qu’il existe des publications haineuses avec de vrais locaux, en dur, des imprimeries, des maisons d’édition, des points de vente, des lieux et des temps de rencontre. Dans un état de droit, ce qu’elles donnent à lire ne peut être totalement ignoré. Il serait sans doute temps de prendre Jérôme Bourbon au mot et d’accéder à ses jérémiades, au moins sur un point : le temps de ses « dernières libertés » doit être compté.
Emmanuel Debono
SOURCE :
J’oserai meme pas me torcher le cul avec, de peur d’attraper une infection
Quelqu’un pourrait il nous pettre la vidéo où le porcinet bourbon se prend une pêche sur son visage porcin et se pisse dessus en remontant 4 à 4 l’escalier.
Du caviar pour l’éternité !
J’aimerai et louerai Le Monde et tous ses journalistes s’ils mettaient tous autant d’ardeur à condamner toutes les formes d’antisémitisme et pas seulement les insanités de Rivarol.
C’est d’ailleurs une évidence et une obligation morale et un devoir légal de condamner l’antisémitisme de Rivarol. Mais cela n’est pas suffisant et on ne doit pas s’en contenter.
Je me demande quand-même comment il est possible de laisser publier une telle merde.Je suis pour la liberté totale d´expression,eux ne s´exprime pas,ils passent leur temps á vomir de la diarrhée sur des pages blanche.Connaissant l´origine anti-France de ceux qui ont fondé ce torchon,collabo qui ont donné la France á un pays étrangé,comment ce fait-il que cette saloperie ne soit pas interdite.