Hassan Iquioussen, l’imam qui ne voulait pas rejoindre son Dieu
par Kamel Daoud
CHRONIQUE. Hassan Iquioussen incarne un paradoxe fascinant. Celui d’un islamiste qui incendie les droits de l’homme, mais ne peut vivre qu’en Occident.
Il y a quelque chose d’amusant, sinon d’ouvertement ironique, dans la pugnacité de l’imam marocain Hassan Iquioussen à vouloir rester en France, et éviter par mille contorsions et recours l’expulsion vers le Maroc. La France n’est-elle pas terre de la mécréance ? Nombril de la laïcité attentatoire à Dieu, selon les islamistes ? Cette terre n’est-elle pas maudite pour ses libertés, ses cultures et ses droits de l’homme, ses jupes, ses vins et ses fêtes ? Pourquoi prêcher la perte de la France et son islamisation par les sexes et les textes pour, à la fin, s’accrocher aux pans déchirés de la robe de la République ? Pourquoi se battre comme un noyé à l’idée d’en être expulsé vers la terre d’Allah si ce pays va si mal, s’il enfreint la loi dite « de Dieu » et incarne le diable et l’impiété ? Pourquoi tant de haine qui finit par se convertir en supplications de colocataire menacé d’expulsion ?
En Algérie et dans le reste du monde dit « musulman », les islamistes brûlent l’Occident chaque matin dans leurs têtes et leurs prêches, mais rêvent tous d’aller vivre en Angleterre ou en Allemagne, de s’y soigner et d’y éduquer leurs enfants, et d’élever la parole de Dieu en ventriloques agréés. C’est que les convictions et l’instinct de vie ne vont pas dans le même sens : on sait les prêcheurs cupides et leurs âmes tarifées et sensibles au confort. On sait que la critique de l’Occident et les chaloupes des migrants ne rament pas dans la même direction. Et, pendant que l’on vend le fantasme du paradis aux vierges patientes aux croyants moutonniers, on rêve pour soi de rester en France, en Europe, en Amérique. Même en sortant, brisés en mille os, de Guantanamo.
Savoir-faire victimaire. Et l’imam Hassan Iquioussen n’est pas le seul à vivre, sans l’assumer, ce paradoxe, cette insulte escamotée. Il incarne cette bifurcation de la reproduction dans cette secte mondiale démultipliée : dans le monde dit « arabe », l’islamiste vit du fait de faire la guerre à l’Occident et à ceux qui résistent au nom de la liberté, de l’universalité et des droits les plus simples. Et, en Occident, il vit de vivre dans ce prétendu enfer de sa foi, et jouit de ses avantages sociaux, avocats, protections et libertés. Le premier puise ses mots dans les vieilles anthologies des théologiens d’il y a dix siècles, le second est le fruit d’une mutation et d’un croisement inédit entre la démocratie et le fascisme, la liberté et la sournoiserie, le droit et l’opportunisme. Les islamistes autochtones, dans les pays dits « musulmans », hurlent à la guerre sainte ; l’islamiste occidental, à la sainteté des lois dont il profite en Europe et ailleurs.
C’est une mutation encore peu étudiée que celle de l’islamiste occidental, son érudition sur les failles des lois locales et les faiblesses des démocraties, son expertise sur les recours judiciaires et les plaidoyers de droit de terre, son entrisme organisé au nom des ONG et des droits des minorités et son savoir-faire victimaire. Il se trouvera même des scribes qui le défendront et avoueront leur admiration face à son agilité qui, dans le pur mouvement de l’absurde, se revendique d’un impossible islamisme hyperfrançais, amoureux des droits de l’homme, d’un seul homme (lui-même), et de la primauté du droit (le sien) sur la terre qu’il saccage.
L’imam Hassan Iquioussen ne veut pas quitter la terre qu’il n’aime pas pour la terre de ses ancêtres. Car, quand on a faim, les ancêtres ne se mangent pas. Sa fatwa est simple : entre Allah et l’Occident, il vaut mieux garder ce qu’on a déjà sous la main.
Source
https://www.lepoint.fr/editos-du-point/l-imam-qui-ne-voulait-pas-rejoindre-son-dieu-08-09-2022-2489103_32.php#xtmc=kamel&xtnp=1&xtcr=1