Farid Ikken, la déroutante dérive du djihadiste au marteau de Notre-Dame

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Pour avoir attaqué des policiers à coups de marteau devant Notre-Dame en juin 2017, Farid Ikken, 43 ans, comparait ce mercredi aux assises spéciales de Paris.

Par Iris Peron et Jérémie Pham-Lê
Devant les enquêteurs de la brigade criminelle, il s’est présenté comme un « moudjahidin ayant accompli un acte de résistance ». Mais dans le flot des djihadistes passés à l’acte en France, son profil étonne. Farid Ikken, doctorant algérien et ancien journaliste de 43 ans, bardé de diplômes, est jugé à partir de ce mercredi par la cour d’assises spéciale de Paris pour « tentatives d’homicides terroristes » sur des fonctionnaires de police. Un procès prévu sur deux jours mais qui pourrait être reporté en raison de la grève des avocats.
Le 6 juin 2017, vers 16h20, après un parcours erratique de plusieurs heures dans la capitale, Farid Ikken attaque une patrouille de policiers postée sur le parvis de Notre-Dame. Porteur de deux couteaux à lame crantée de 15 et 7 centimètres, il brandit un marteau et s’époumone : « C’est pour la Syria! » Un des trois gardiens de la paix est blessé à l’arrière du crâne.
Décrit comme « agité et menaçant » par un témoin, l’assaillant continue de faire des moulinets avec son outil. Un policier ouvre alors le feu, imité par son collègue. Dès le lendemain, le quadragénaire aux traits anguleux est placé en garde à vue à l’hôpital. « C’était une attaque d’une extrême violence, estime Me Thibault de Montbrial, avocat de l’un des fonctionnaires. Sans l’excellente réaction de mon client, le premier policier visé aurait eu le crâne éclaté ».
L’enquête a mis en lumière le déroutant profil de Farid Ikken, dont les proches ont été stupéfaits d’apprendre la radicalisation. Cet ancien journaliste au casier vierge, décrit comme « réservé, isolé, parfois dépressif », a indiqué aux policiers avoir voulu attirer l’attention sur « la violence inouïe que commet l’armée française en Irak et en Syrie ». Mais il réfute avoir eu l’intention de tuer.
Dans leur ordonnance, les juges d’instruction pointent son « adhésion sans faille aux thèses et à l’idéologie de l’Etat islamique » (EI). Quelques heures avant l’attaque, Farid Ikken a en effet revendiqué dans une vidéo son appartenance au groupe terroriste. « Je m’apprête à réaliser une opération, mon frère, pour faire baisser la pression sur mes frères au califat », écrit-il sur la messagerie cryptée Telegram.
Difficile de dater son basculement vers cette idéologie mortifère, qu’Ikken décrit comme « quelque chose de positif ». Le parcours de ce benjamin d’une famille kabyle de 11 enfants est ponctué de désillusions professionnelles. Un psychologue évoque dans une expertise une « succession indéfinie d’études universitaires à distance […] d’une vie personnelle et familiale ».
Né à Béjaïa, en Algérie, il y étudie les langues puis rejoint la Suède en 2001. Il se marie en 2004 mais divorce rapidement. Deux ans plus tard, Farid Ikken débute des études de journalisme. Diplômé d’un master, mais lassé des petits boulots, il retourne en Algérie en 2011, où il lance son site, Bejaïa aujourd’hui, et travaille pour le prestigieux quotidien El Watan. Ses ex-collègues gardent le souvenir d’un homme « ouvert d’esprit », « cultivé », montrant un certain « dégoût du terrorisme et de la violence ». Farid Ikken, lui, fait remonter son engagement religieux à 2011, au nom « d’une quête spirituelle ».
Deux ans plus tard, sa carrière stagne et l’étudiant s’inscrit en doctorat en sciences de la communication à Metz, en Lorraine. Il y passe deux ans avant de suivre son directeur de thèse à Paris. Aux enquêteurs, ce dernier le décrit comme « intelligent et fervent défenseur de la démocratie occidentale ». Mais Farid Ikken se sent très isolé et s’en plaint auprès de son enseignant. Son frère, qui habite à Nantes, ne lui connaît aucun ami et souligne sa tendance dépressive.

Farid Ikken s’enlise. En 2016, ses enseignants s’inquiètent du « piétinement » de sa thèse. Cet isolement a pu œuvrer dans sa radicalisation ? « C’est tellement incompréhensible… Cette attitude est diamétralement opposée aux idéaux que je lui connais », s’étonne son professeur devant les policiers. Un cousin perçoit, lui, « un pétage de plombs du fait de son isolement social ».
Dans le huis clos de son studio de Cergy (Val-d’Oise), Farid Ikken embrasse les thèses de l’islam radical. En perquisition, les enquêteurs découvrent un magazine amateur intitulé « Le soldat du Califat en terre des Francs », dont Ikken est soupçonné d’être l’auteur, ainsi que des documents de propagande. Devant les magistrats, le doctorant réfute être un terroriste et se définit comme « un résistant et un prisonnier d’opinion ».
Favorable à l’instauration du califat de Daech, il déclare avoir voulu « attirer l’opinion publique sur le massacre de [ses] petits frères et sœurs en Syrie et en Irak », dénigrant les récits faits par « les médias classiques ». Il livre un élément révélateur : en pleine rédaction de thèse, il a songé à rejoindre la zone irako-syrienne pour y enseigner. Un expert psychologue perçoit chez lui un « intérêt quasi exclusif pour la religion […] sur fond d’une dépression et d’une solitude ».
Depuis le début de sa détention, Farid Ikken, dont les avocats Mes Aidel et Sbidian n’ont pas souhaité s’exprimer, est toujours aussi solitaire. Incarcéré à Fleury-Mérogis puis Nantes, il refuse d’être ausculté par une médecin femme et d’être évalué dans les quartiers de la radicalisation.
Source :

http://www.leparisien.fr/faits-divers/farid-ikken-la-deroutante-derive-du-djihadiste-au-marteau-de-notre-dame-26-02-2020-8267016.php

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