Et Mélenchon abandonna « Charlie Hebdo »…
Entre l’Insoumis Mélenchon et les satiriques libertaires de Charlie Hebdo, le divorce est consommé. Dix ans après son hommage à son ami Charb, Mélenchon a cédé à l’électoralisme
Par Marc Eynaud
« Charb, tu as été assassiné comme tu le pressentais par nos plus anciens, nos plus cruels, nos plus constants, nos plus bornés ennemis : les fanatiques religieux ». En ce maussade 17 janvier 2015, Jean-Luc Mélenchon prononce un vibrant hommage à « ami Charb », directeur de la rédaction de Charlie Hebdo, assassiné par les frères Kouachis avec onze autres victimes dont 7 de nos confrères. Comme des millions de Français, Mélenchon « était Charlie« . Et la France entra dans l’ère de la menace islamiste.
Le 10 novembre 2019, Jean-Luc Mélenchon manifestait contre « l’islamophobie ». Symbolique et assumé virage idéologique qui plongea la France Insoumise dans une ligne islamo-gauchiste assumée. Une manifestation qui sidéra Charlie Hebdo. « Après avoir défilé le 10 novembre dernier aux côtés d’enragés islamistes hurlant « Allah Akbar » à quelques pas du Bataclan, vous franchissez un pas de plus dans la compromission odieuse, en vous alignant sur la frange la moins républicaine de ce foutoir idéologique qu’est votre mouvement », écrit dans les colonnes du journal satirique le rédacteur en chef de Charlie, Gérard Briard. A l’époque, Riss, le patron de la rédaction de Charlie, successeur de feu Charb, tombé sous les balles, avait dénoncé « une gauche en perdition » qui finira « dans les poubelles de l’Histoire ».
Mélenchon au soutien d’Obono qui n’a « pas pleuré Charlie »
Entretemps, Samuel Paty a été assassiné par un islamiste pour avoir simplement voulu montrer à ces élèves quelques caricatures de Charlie Hebdo. Entretemps, des cadres LFI ont insulté Charlie Hebdo, leur remettant régulièrement une cible dans le dos. Quelques années après les pleurs de Mélenchon sur le cercueil de Charb, ses enfants ciblent sans vergogne les survivants. « Les pouilleux de Charlie Hebdo n’existent qu’à travers notre indignation », voici ce que tweetait l’ex protégé de LFI Taha Bouhafs en septembre 2019. Faillite générationnelle. « Je n’ai pas pleuré Charlie », a assuré en 2017 la députée LFI de Paris Daniele Obono. Et Mélenchon de la soutenir : « Ce n’est pas mon avis, mais je respecte le sien. Je comprends ce qu’elle veut dire. Je ne ferai pas la police de la pensée », a déclaré le leader de LFI. Le virage indigéniste était pris. Brûlant ce qu’il a adoré, Mélenchon se mit à adorer ce qu’il avait brulé.
Empêtré dans ses calculs électoralistes et persuadé que le vote musulman est la clef de sa victoire présidentielle, Mélenchon a lâché ses anciens amis qui s’en rendent bien compte. Pire encore, lorsque Charlie Hebdo republia les caricatures en 2020, le silence éloquent de nombreux cadres de LFI fut assourdissant. Plutôt que de défendre le droit à l’irrespect et à la satire, ils préférèrent relativiser. Cette neutralité feinte est en réalité une abdication. A rebours de la société française.
Un sondage IFOP de janvier 2025 pour la Fondation Jean Jaurès relate en effet que les Français sont de plus en plus attachés à la liberté d’expression. Le soutien à Charlie Hebdo est en progression partout… sauf chez les partisans de LFI. Ils sont 37% à juger « qu’on ne peut pas tout caricaturer ». Autant que chez LR. Deux fois plus qu’au RN. « C’est complètement fou pour un parti qui se dit de gauche ! », réagit l’avocat Richard Malka.
Charlie Hebdo a été précurseur dans cette fracture des gauches
Pour cette gauche, l’atterrissage est brutal. Dans C Ce soir, l’intellectuel adulé par l’extrême gauche, Aurélien Bellanger, sidéra ses anciens amis en déclarant : « Je ne suis pas allé à la manifestation du 11 janvier. On savait que quelque chose n’allait pas avec Charlie. Il y a des relents islamophobes (…) Charlie est la pointe avancée du combat pour la supériorité de l’Occident.»
Dix ans après le massacre, le service public a le mérite d’illustrer cette dérive. Dix ans après le massacre auquel se sont rajoutées des dizaines d’attaques islamistes, l’ultragauche continue à multiplier les procès en islamophobie à l’encontre des survivants de Charlie. Charlie Hebdo a été précurseur dans cette fracture des gauches. Puis sont venus la laïcité, le Hamas et l’antisémitisme. La liberté et les grandes purges. Autant de causes de discordes qui résument un seul enjeu : se soumettre ou non à l’islamisme.
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