Esterhazy, l’homme qui a perdu Dreyfus

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Dreyfus a été broyé dans une machine aux complexes mécanismes. Mais il y eut un rouage essentiel à cette opération de destruction : Esterhazy, le véritable auteur des fameux bordereaux, joueur pathologique, espion patenté sur lequel l’histoire ne s’est finalement pas tant attardé. « L’homme de l’année 1894 » gagne pourtant à être connu… En tout cas sur papier !

La part du vraie et du faux est toujours un peu délicate à faire dans ce petit maelstrom historique que nous propose la série  » l’homme de l’année ». Dont le principe, rappelons-le, est de ramener à la surface de l’histoire, des hommes de l’ombre, voire des personnages considérés comme secondaires, qui ont pourtant pris une part décisive dans le déroulement d’un épisode historique.
Le 7e tome se consacre à l’année 1894, date du déclenchement de l’affaire Dreyfus, sujet hautement inflammable s’il en est…
La part du vrai : Dreyfus, officier de l’armée française, a bel et bien été accusé d’espionnage pour le compte de l’Allemagne en 1894 alors que la France ne digérait toujours pas la défaite de 1870. Et il l’a été injustement. Et cela parce qu’il était Juif.Ce qui est vrai aussi, c’est qu’un espion sévissait en effet, issu des rangs de l’armée. Mais il ne s’appelait pas Dreyfus.
Faux comte mais amer officier
L’histoire a d’ailleurs rétabli cette vérité, Dreyfus a fini par être réhabilité non sans que son nom soit associé à l’un des plus grands traumatismes clivants de la société française. Il y avait les Dreyfusards (convaincus de son innocence), au rang desquels Zola reste le symbole le plus éminent, et les antidreyfusards, soit convaincus du contraire, soit persuadés qu’il en allait de la sauvegarde de la défense nationale de préserver ce mensonge. Dévoiler la vérité risquait de faire tomber l’opprobre sur toute l’armée. Sacrifier un homme, qui plus est un Juif, n’était à leurs yeux pas un grand prix à payer…

Et tout ça parce que le Comte Walsin Esterhazy était un joueur invétéré…
Son nom n’est certes pas aussi connu que celui de Dreyfus, mais irréversiblement attaché à lui. Ce faux comte (mais amer officier) était étranglé par des dettes monumentales contractées autour des tables de jeux. Le déshonneur le guettait, il a préféré vendre les secrets de la France.

L’album signé Fred Duval et Florent Calvez a bien sûr le mérite de remettre les faits à leur place. Mais surtout de révéler dans leurs implacables rouages les mécanismes de cette ignominie qui laisse encore des traces aujourd’hui.
En accompagnant ce sinistre personnage imbus de lui-même et point trop embarrassé de principes, on plonge dans une société meurtrie, infiltrée de rancoeurs, déstabilisée par les affaires (dont celle de Panama n’est pas la moindre), et enfin percluse d’un antisémitisme ravageur. Bref, rien de bien glorieux pour cette IIIe République à jamais marquée du sceau de l’infamie.
Comme toujours dans cette série, les auteurs remplissent les vides de l’histoire, et tout n’est pas à prendre pour argent comptant. Esterhazy est mort sans avoir jamais révélé au compte de qui il espionnait finalement. D’ailleurs, espion ou contre-espion ?
Restent le portrait d’un homme trouble et d’une société avariée qui justifient pleinement l’achat de l’album. Quand bien même il faut parfois s’accrocher pour ne pas perdre une pièce de ce puzzle complexe et décidément peu flatteur pour la France…

– L’homme de l’année 1894, par Fred Duval et Florent Calvez, chez Delcourt ; 14,50€

lire l’article de L’EST REPUBLICAIN en cliquant sur le lien ci-après

http://www.estrepublicain.fr/blog/2014/12/14/esterhazy-l-homme-qui-a-perdu-dreyfus

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