Embouteillage au tribunal des jihadistes
Un peu débordée par le phénomène du retour des jihadistes, conjugué à des délits moins graves, mais aussi des attentats ou tentatives à juger dans des délais raisonnables, la justice antiterroriste tente de faire front. Avec ses moyens.
Il faut emprunter les longs couloirs au carrelage usé, longer les hauts murs de pierre chargés d’histoire pour traverser le vénérable palais de justice de Paris jusqu’à la 16e chambre correctionnelle. C’est là que sont jugés les délits en lien avec le terrorisme. Pas les crimes – les attentats et les actions les plus graves – qui passent dans la prestigieuse salle des assises, de l’autre côté du palais, mais plutôt les « associations de malfaiteurs ». Autrement dit les filières, le plus souvent.
Et aussi, depuis le 1er janvier, des délits « de basse intensité », dit la Chancellerie qui a créé pour cela des circuits courts : afin de soulager un peu le travail des onze juges d’instruction du pôle antiterroriste, qui traitent actuellement un peu moins de deux cents dossiers, le parquet renvoie directement devant le tribunal les personnes soupçonnées de consultation habituelle de sites terroristes, ou d’apologie du terrorisme.
« Un jeune homme qui consulte des sites peut être attiré par une curiosité malsaine ou se trouver dans une réseau. Comment faire la différence en quelques minutes et deux ou trois questions ? »
C’est aujourd’hui l’obsession de la justice antiterroriste : gérer au moins mal l’afflux de dossiers qui découle de la situation en Irak et en Syrie (les revers de Daech accélèrent les retours de jihadistes), en même temps que de la décision des autorités françaises de durcir la législation. Le parquet est actuellement saisi de près de quatre cents dossiers en tout. Il n’empêche que bon nombres d’avocats s’étonnent qu’on puisse juger comme en comparution immédiate des gens qui sont renvoyés pour des faits ayant trait, de près ou de loin, au terrorisme. « Un jeune homme qui consulte des sites peut être attiré par une curiosité malsaine ou se trouver dans une réseau. Comment faire la différence en quelques minutes et deux ou trois questions ? », demande un avocat parisien habitué de la 16e chambre.
« Une justice au rabais »
Son confrère lillois Gérald Laporte renchérissait récemment : « Juger de cette manière signifie pas exemple réduire au strict minimum l’examen de la personnalité du prévenu ; dans ce domaine, c’est une ineptie. » Une centaine de leurs confrères ont récemment signé une tribune dans Le Monde pour dénoncer « une justice au rabais ». Cette justice dont le Garde des Sceaux disait récemment à Lille qu’elle est « en voie de clochardisation ».
Aux assises, de l’autre côté du palais, c’est la même chose. La cour d’assises spéciale a longtemps tourné à son rythme pépère, jugeant un crime terroriste corse ou basque de temps en temps, avant que les choses s’aggravent brutalement, vers 2015. Cette année-là, elle avait siégé (en plusieurs formations) l’équivalent de 342 jours d’audience. Pour 2017, on en prévoit 1 244.
Sur toutes les ficelles
C’est pour cette raison qu’une proposition de loi a été déposée (adoptée par les sénateurs en janvier) pour réduire de six à quatre (en plus du président) le nombre de magistrats qui la composent (en matière de terrorisme, il n’y a pas de jurés tirés au sort, mais uniquement des magistrats professionnels). On tire sur toutes les ficelles.
Pas étonnant, dans ces conditions, que la Chancellerie s’inquiète de la vague de retours prévue par les reculs incessants de Daech sur le terrain. D’autant que la politique définie par le gouvernement est de « judiciariser toute personne revenant du territoire irako-syrien ». Même les morts. Le parquet poursuit actuellement plusieurs dizaines de jeunes partis faire le jihad et annoncés décédés au combat ou lors d’actions kamikazes. « On a vu des cas de jeunes hommes qu’on croyait morts et sont entrés clandestinement en France pour tenter de commettre des attentats. Et d’autres cas de personnes réellement décédées mais dont d’autres s’étaient emparés de leurs papiers d’identité », explique un magistrat. D’où la prudente nécessité de les juger et d’assortir leur peine d’un mandat d’arrêt permettant de les intercepter en cas de retour. La justice antiterroriste innove sur tous les fronts.
De plus en plus de mineurs
Le 1er mars dernier, le tribunal pour enfants de Paris a jugé un jeune lycéen kurde qui avait tenté de tuer à coups de machette un enseignant juif, à Marseille, en janvier 2016. C’est la première fois qu’un mineur était jugé (la décision est mise en délibéré) pour des faits de terrorisme.
Il avait quinze ans au moment des faits, revendiquait clairement leur dimension terroriste, se réclamant à la fois des dirigeants d’Al-Quaïda et de Daech. Dans son téléphone, les enquêteurs ont retrouvé des messages appelant au jihad, ainsi que des photos d’hommes en arme et aux couleurs des groupes terroristes.
C’est une première, mais pas la dernière fois : cinquante-trois mineurs sont aujourd’hui mis en examen pour des faits liés au terrorisme. Le ministère a organisé récemment des formations à l’intention des magistrats pour mineurs, peu habitués à juger cette matière particulière, avec ses qualifications particulières et ses codes propres.
David Thomson, auteur du livre Les revenants, paru en décembre dernier (ED. Seuil / Les Jours), prévient que le phénomène ne fait que commencer : « Le défi majeur, pour les autorités, c’est celui des enfants. On considère qu’ils sont 450, en zone irako-syrienne, dont un tiers qui y sont nés. Ils sont nés jihadistes. Ce sont des enfants qui ont été élevés, conditionnés. Qui parfois ont déjà tué. On a vu des vidéos où un enfant de quatre ans tuait un homme d’un coup de pistolet. »
La consultation des sites jihadistes punie
Dans la loi sur la sécurité publique, publiée le 1er mars dernier au Journal officiel, un article établit, désormais, comme un délit, la consultation habituelle des sites terroristes, ainsi que le fait de relayer leur contenu – ce qui s’apparente à l’apologie du terrorisme.
Censuré en février par le Conseil constitutionnel, ce texte a été réécrit afin de restreindre les possibilités de poursuite. L’internaute peut aujourd’hui plaider la simple curiosité, le fait d’être arrivé sur le site involontairement, ou la nécessité, comme dans le cas particulier des journalistes.
Ce texte répond à la recrudescence de ces consultations électronique par les jeunes. Il les rend passibles de deux ans d’emprisonnement et 30 000 € d’amende.
Source :
http://www.lavoixdunord.fr/133729/article/2017-03-17/embouteillage-au-tribunal-des-jihadistes
Il n’y aura pas autant d’embouteillage dans les tribunaux si le gouvernement interdisait aux djihadistes de revenir sur le sol français. .ils doivent assumer leur idéologie jusqu’au bout…même sous les frappes françaises ou américaine