Deux ans de prison ferme pour incitation au terrorisme
A la 16e chambre du tribunal correctionnel de Paris, un jeune homme a été condamné à quatre ans de prison, dont deux avec sursis, pour incitation au terrorisme sur la.
Youssef L., 29 ans, a appris à ses dépens qu’on ne pouvait pas rire de tout. Le jeune homme a été condamné le 30 septembre à quatre ans de prison, dont deux ans ferme, pour incitation à des actes terroristes sur Telegram et « consultation habituelle » de sites terroristes. Pour se justifier, il a assuré qu’il avait « joué un rôle pour rigoler ».
Deux interpellations
Toute cette affaire remonte à l’interpellation d’un étudiant provenant de Carcassonne, Arthur L., en juin dernier. Le jeune homme avait l’intention de se rendre en Syrie. Lorsqu’ils ont exploité son téléphone, les enquêteurs se sont aperçus qu’il était en lien sur Telegram avec un certain « Echo Alpha Tango ».
Deux mois plus tard, un autre individu, Sébastien P., a été interpellé après avoir menacé de commettre un attentat en France. Durant sa garde à vue, il a expliqué avoir été incité à télécharger l’application Telegram, puis encouragé à passer à l’acte par le même « Echo Alpha Tango ». Derrière ce surnom, se cache Youssef L.
Un profil « banal »
Celui-ci a été placé une première fois en garde à vue du 14 au 16 juin, puis une seconde du 22 au 24 août, avant d’être mis en détention provisoire et déféré devant le tribunal correctionnel de Paris. Des traces sur son téléphone ont révélé ses liens avec Arthur L. et Sébastien P. Les enquêteurs ont aussi découvert qu’il était inscrit sur deux chaînes sur Telegram – dont l’une revendiquée par Daech – et qu’il avait consulté plusieurs sites, images et vidéos de propagande djihadiste.
À la barre, Youssef L. l’a reconnu : « Je suis bien « Echo Alpha Tango » ». Soigneusement rasé et coiffé, le jeune homme baraqué a clamé avec un accent chantant qu’il n’était « qu’un jeune homme comme les autres ». Au fil de l’audience, le profil de cet agent de sécurité en boîte de nuit s’est peu à peu dessiné. Il vivait jusqu’à présent avec sa mère à Montpellier, son père étant décédé en 2006. Il aurait également une « petite amie » en Roumanie, qui attendrait un enfant de lui. Sur le plan religieux, Religieusement, il n’est « pas très pratiquant » – de son propre aveu – et ne fréquente pas la mosquée, même s’il fait ses prières quotidiennes. Il est fiché S mais n’a pas de casier judiciaire. Quant à Telegram, il dit s’y être inscrit cette année, après que plusieurs personnes l’ont approché via Facebook.
Une mauvaise plaisanterie
S’il a incité Arthur L. à partir en Syrie, et Sébastien P. à commettre un attentat en France, il a expliqué que c’était seulement « pour rigoler ». Tout au long du procès, Youssef L. répétera en boucle qu’il « jouait seulement un rôle » sur cette messagerie. « On est bien en France, il n’y a pas la guerre, le frigo est plein, c’est dingue de vouloir quitter le pays pour aller en Syrie. Je leur faisais comprendre qu’ils étaient fous, mais de façon subtile », s’est-il défendu.
Lorsque la présidente du tribunal a lu à haute voix les conversations le mettant en scène, plusieurs d’entre elles ont semblé surréalistes, confirmant l’argument de la « blague potache ». Youssef L. a notamment proposé à Sébastien P. de lui livrer une bombe nucléaire dans un commissariat. D’autres, en revanche, ont prêté à confusion. Le jeune a par exemple déclaré à une jeune fille qu’il n’allait plus à la mosquée car « il ne voulait plus entendre les discours prônant l’intégration. » À un autre, il a dit « Respect », en évoquant un homme parti combattre en Syrie. Il a également partagé des images de décapitation et de propagande djihadiste.
« Deux personnes coexistent »
Le tribunal n’était donc pas dupe. « J’ai l’impression que deux personnes coexistent : celle sur Snapchat qui s’intéresse au football et aux sites pornos, et celle sur Telegram, attirée par la propagande de Daech », a confié la présidente.
Les juges ont également montré leur scepticisme quant à sa prise de conscience de la gravité de ses actes. « Quand la BRI est venue me chercher, j’ai compris que j’étais allé trop loin. J’avais jamais fait de garde à vue !, a pourtant assuré le jeune homme. J’ai pas cherché la gloire, ce n’est qu’une mauvaise plaisanterie qui a mal tourné. Dans ma vie de tous les jours, je ne fréquente pas physiquement des personnes radicalisées. Internet, c’est pas la réalité. »
Une peine sévère
Cette « plaisanterie » aurait pourtant pu aller loin. Dans les discussions sur Telegram, Sébastien P. est apparu comme étant une personne particulièrement fragile. Youssef L. n’a pourtant pas hésité à lui dire « Si tu passes à l’acte demain, tu seras des nôtres. » « Vous ne vous êtes pas dit que pousser des gens instables à l’acte était grave ? Qui ça fait rire à part vous ? », lui a demandé la présidente.
Le procureur a requis quatre ans de prison, dont dix-huit mois de sursis avec mise à l’épreuve. Les juges ont finalement suivi cette peine sévère, qualifiée de « disproportionnée » et « inadaptée » par son avocat. Mais on ne plaisante pas avec le terrorisme.
Lauriane Clément
Source
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