
Conférence de Jérusalem; Chikli défend ses choix
À quelques jours d’une conférence majeure à Jérusalem sur la lutte contre l’antisémitisme, une polémique secoue le paysage diplomatique israélien. Le ministre israélien de la Diaspora, Amichai Chikli, défend fermement sa décision d’avoir invité des représentants de partis européens classés à l’extrême droite, arguant que la menace principale contre les Juifs d’Europe vient aujourd’hui de l’islamisme radical, et non de la droite politique.
Dans un entretien accordé au quotidien Israel Hayom, Chikli a déclaré : « La véritable menace pour les Juifs européens est l’islam radical, pas la droite ». Une prise de position assumée, mais qui suscite de vives réactions, notamment après une série d’annulations de personnalités prévues à cette conférence organisée les 26 et 27 mars à Jérusalem.
Parmi les désistements notables figurent Jonathan Greenblatt, directeur de l’Anti-Defamation League (ADL), le philosophe Bernard-Henri Lévy, et le grand rabbin du Royaume-Uni, Ephraim Mirvis. Ces départs ont, selon Chikli, été provoqués par une « campagne de diabolisation » orchestrée par des médias de gauche, notamment le journal Haaretz, qu’il accuse de délégitimer les soutiens étrangers d’Israël.
« C’est une grave injustice de boycotter ceux qui veulent se tenir aux côtés d’Israël dans la lutte contre l’antisémitisme », a-t-il déploré.
Des figures controversées mais désormais pro-israéliennes ?
Chikli a cité plusieurs exemples pour justifier ses invitations. Il a notamment mis en avant Jordan Bardella, président du Rassemblement national en France, qui a récemment dénoncé les liens entre l’UNRWA et le Hamas, et s’est opposé à la création d’un État palestinien après les événements du 7 octobre. Bardella a également condamné les mandats d’arrêt émis par la Cour pénale internationale contre le Premier ministre Benjamin Netanyahu et l’ancien ministre de la Défense Yoav Gallant.
Le ministre note que certains de ces partis, autrefois entachés de discours antisémites, ont aujourd’hui pris leurs distances avec ces idéologies et affichent un soutien clair à Israël. Il souligne que rejeter ces alliés potentiels au nom d’un passé révolu serait une erreur stratégique, surtout dans un contexte où l’antisémitisme progresse sous d’autres formes.
Une reconfiguration politique en cours
Le cas du Rassemblement national illustre cette évolution complexe. Bien que son fondateur Jean-Marie Le Pen ait multiplié les propos antisémites notoires, sa fille Marine Le Pen a tenté de recentrer le parti, allant jusqu’à exclure son propre père. Malgré cela, elle reste persona non grata en Israël et n’a jamais été invitée au dîner du Crif.
Sur le terrain, toutefois, le RN semble avoir gagné du terrain auprès d’une partie de l’électorat juif, notamment dans certaines zones de Paris ou de Sarcelles, où ses scores égalent, voire dépassent la moyenne nationale, signe d’un changement d’attitude dans la perception du parti par une partie de la communauté juive française.
Un soutien européen qui dérange certains
Outre Bardella, d’autres figures controversées ont également été conviées à la conférence, parmi lesquelles Marion Maréchal, eurodéputée et petite-fille de Jean-Marie Le Pen, ainsi que des représentants de partis comme Vox (Espagne), Fidesz (Hongrie) ou encore les Démocrates de Suède. Si ces partis ont été associés à des propos ou des membres néonazis ou révisionnistes, ils affichent aujourd’hui un soutien affiché à Israël et une hostilité claire à l’antisémitisme islamiste.
Le président israélien Isaac Herzog a proposé d’organiser en marge de la conférence une réunion plus consensuelle, réunissant les principales figures juives du monde, mais sans les personnalités jugées polémiques.
Certains, comme Mathieu Lefevre, député macroniste et président du groupe d’amitié France-Israël à l’Assemblée nationale, déplorent la stratégie israélienne, estimant que les invitations de l’extrême droite créent une gêne au sein même du gouvernement israélien. Mais Chikli assume pleinement son approche.
Israël doit choisir ses alliés avec pragmatisme
Dans un contexte où les menaces contre les Juifs en Europe se diversifient et s’intensifient, le choix d’Israël de s’entourer de soutiens clairs, même issus de formations controversées, peut être vu comme une stratégie pragmatique de défense des intérêts israéliens. Fermer la porte à des alliés potentiels, au nom d’une idéologie figée, reviendrait à affaiblir le front contre l’antisémitisme.
Israël, en tant que nation souveraine confrontée à des défis sécuritaires majeurs, a le droit – et le devoir – de nouer des alliances avec ceux qui, aujourd’hui, se tiennent réellement à ses côtés, quelles que soient leurs étiquettes politiques.
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Jforum.fr