Comment être prof dans les territoires perdus de la République ?
Isabelle KERSIMON. – Dans ce documentaire diffusé ce soir[1], vous revisitez Les territoires perdus de la République[2] paru en 2002. Hormis Iannis Roder, ce ne sont pas les mêmes protagonistes. Pourtant ils expriment, peut-être moins violemment, le même constat. Entre 2002 et 2015, non seulement rien ne paraît avoir changé, mais tout semble avoir empiré?
Georges BENAYOUN. – Je dirais plutôt que ça c’est répandu, que cela a muté avec le développement de phénomènes omniprésents comme les théories du complot et le retour en force du religieux. Je pense que ce qu’ont dénoncé les auteurs des Territoires perdus dans un grand silence des institutions et des enseignants s’est retrouvé tragiquement «illustré» par les attentats commis depuis 2006, par les Fofana, Coulibaly, Merah, Nemmouche, les frères Kouachi… Ces tragédies éclairent d’une lumière crue les propos que tenaient les auteurs du livre: ils ne disaient pas que la France serait mise à feu et à sang, ils décrivaient les sources possibles et circonstanciées d’affrontements dans la société française.
Les professeurs témoignant dans votre documentaire font état de quatre fléaux par lesquels une partie de leurs élèves sont touchés. Il s’agit moins d’une violence en acte que de «codes de pensée»: le sentiment de ne pas appartenir à la nation française (voire une stricte «francophobie»), mais à la fraternité de la Oumma ; le goût pour l’explication conspirationniste du monde ; un sexisme assumant sans complexe son mépris du féminin ; un antisémitisme qualifié de «domestique» par le sociologue Smaïn Laarcher.
Le rapport Grosperrin[3], «Faire venir la République à l’école», remis au Sénat en juillet 2015, dresse le même constat. Pourtant, dites-vous, les réticences à nommer ces choses se font encore sentir…
C’est l’objet même de ma démarche. Questionner le déni. Déjà mon premier film sur l’assassinat d’Ilan Halimi se posait la question de la douleur des institutions françaises – police, justice, presse – face à un crime antisémite caractérisé. En résumé, pourquoi en France est-il si difficile d’énoncer qu’un crime objectivement antisémite est antisémite? De même pour les Profs en territoire perdus de la République ? Pourquoi refuse-t-on de dire, mais plus probablement de voir, ce qui se passe dans certains de nos collèges et lycées? Pourquoi, par exemple, personne ne s’alarme-t-il devant le départ quasi général des enfants juifs de l’école publique dans ces quartiers? Pourquoi peu est-il fait pour lutter contre la pression sexiste dont sont victimes nombre d’élèves filles?
Nous sommes pris en tenaille entre notre culpabilité d’ex-puissance coloniale, cette victimisation confortable et cette grille de lecture du « tout social ».
L’accueil réservé au livre, les réticences et refus de certains professeurs très engagés – syndicalistes, responsables d’associations d’enseignants – à participer à ce film, éclairent ce déni. Georges Bensoussan, au début du film, donne une réponse assez convaincante: nous sommes pris en tenaille entre notre culpabilité d’ex-puissance coloniale, cette victimisation confortable et cette grille de lecture du «tout social». En bref, nous avons du mal à accepter qu’une victime puisse être un sexiste, un antisémite, un salaud. Ces intellectuels, enseignants et universitaires qui ont gelé le débat pendant des années, imposant une sorte de police politique de la pensée, ont au final un regard très condescendant sur ces populations, avec cette bonne conscience du colon délivrant au «bon sauvage» ce qu’il pense être le bien pour lui. C’est humiliant et atrophiant.
Mais l’une des retombées des attentats de janvier 2015, même si la fenêtre du débat s’est lentement refermée, est que la parole s’est plus largement libérée. Et que l’espace pour ces gens qui persistent à s’aveugler semble se réduire, ce qui les rend d’autant plus agressifs.
Longtemps accusés de cette déréliction du «commun» dont leurs salles de classe ne sont que le reflet, les professeurs subissent en outre une mise en cause systématique de leur parole. Désaisis de leur légitimité, ils affirment néanmoins que leur stature garantit encore à la France qu’une transmission est possible, que le ferment républicain continue, malgré tout, de semer un possible Bien commun. Leur courage, leur patience, leur dévouement, leur empathie, bref, leur professionnalisme éclairent votre documentaire en filigrane, envers et contre tout.
Je suis content que les médias relèvent cet aspect du film, la force, le courage, la foi, la dignité de ces professeurs qui se battent, qui sont en première ligne, qui se lèvent tous les matins pour faire rempart à l’inculture, à la violence verbale, à la difficulté qu’ont ces élèves à penser le monde en cinq cents mots… Leur ténacité est héroïque et ils obtiennent quelques belles victoires lorsque d’anciens élèves viennent les remercier pour leur réussite dans de longues études.
Mais ce qui me gêne, c’est qu’on évite de parler du fond. Les cinq dernières minutes du film parlent de l’engagement des enseignants mais les 70′ précédentes soulèvent ces questions de fond: le sexisme, la francophobie, l’antisémitisme, l’homophobie qui règnent dans certains territoires.
C’est un nouveau déni, un déni post-Charlie. Auparavant, l’omerta sur Les territoires perdus de la République, voire, parfois, la virulence de la dénégation adressée à ses auteurs, constituaient un déni d’existence: ces phénomènes n’existaient pas. Aujourd’hui, il est devenu compliqué de prétendre que ça n’existe pas. La société française, les institutions ont pris conscience de ces phénomènes, mais on évite de poser ces problèmes à plat, de les regarder en face et de les nommer pour ce qu’ils sont, avec précision.
Ce serait pourtant le seul moyen d’avancer et de réfléchir à des solutions…
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[1] Sous la direction d’Emmanuel Brenner, éditions Les Mille et une nuits.
[2] Jeudi 22 octobre à 23h15 sur France 3.
[3] http://www.senat.fr/notice-rapport/2014/r14-590-1-notice.html
Pour la LDJ.
Pensez vous faire un article sur ce qu’a déclaré Le Premier ministre israélien concernant les intentions de AH à savoir et je le site.
>>“Hitler ne voulait pas exterminer les Juifs à cette époque [en 1941, ndlr], il voulait expulser les Juifs. Et Haj Amin al-Husseini [le mufti de Jerusalem, ndlr] est allé voir Hitler et lui a dit : ‘Si vous les expulsez, il vont tous venir ici (en Palestine)’. ‘Alors que devrais-je faire d’eux ?’, a demandé Hitler. ‘Brûlez-les’, lui a-t-il répondu.” <<
Lien:
http://www.lesinrocks.com/2015/10/21/actualite/selon-netanyahu-hitler-ne-voulait-pas-exterminer-les-juifs-11782530/
Le premier ministre israélien a précisé son discours en précisant que la responsabilité de la Shoah reposait principalement sur Hitler et non le mufti de Jérusalem.
Son commentaire rectificatif n’a pas été autant repris par les médias qui d’une manière générale ne s’étendent pas sur la collboration nazis-palestiniens durant la seconde guerre mondiale.Pas un mot sur les liens entre le Mufti nari et Arafat ou Abbas.
Comment être prof …. ?
C’est plutôt comment être FRANCAIS DE COEUR dans les territoires perdus PAR la République.
Comment être prof dans les territoires perdus de la République ?
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simplissime: tu passes ton diplôme d’ Imam et tu commences a enseigner le Coran….de toutes façon ce qui y est écrit couvre la vie du croyant et ce qui n’ y est pas écrit est inutile …. 😆
* Considérations inconvenantes sur l’Ecole, l’Islam et l’Histoire à l’heure de la mondialisation …
http://www.babelio.com/livres/Riondel-Considerations-inconvenantes-sur-lEcole-lIslam-e/730860
le sujet hier soir sur fr3 chapeau pour les profs ..
http://www.france3.fr/emission/profs-en-territoires-perdus-de-la-republique/diffusion-du-22-10-2015-23h15
Excellent commentaire.
On assiste impuissant à une fin de civilisation.