Cédric Beltrame: «Mon frère Arnaud ne s’est absolument pas sacrifié»

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TÉMOIGNAGE – Dans Au nom du frère, les deux cadets du gendarme mort en héros remontent «aux racines de son acte».
«Son courage, qui nous dépasse, écrivent-ils, nous oblige aussi». Dix mois après la mort du colonel Arnaud Beltrame dans l’attentat de Trèbes, ses deux cadets, Damien et Cédric, publient Au nom du frère*. «Il nous fallait faire le don de ce qu’il nous a appris», soulignent-ils, alors que plus de 120 plaques en l’honneur de leur aîné sont désormais installées dans une «myriade de lieux, dans une sacralité républicaine et citoyenne». Depuis Singapour, où il vit, Cédric, le second de la fratrie, a répondu aux questions du Figaro.

LE FIGARO. – Votre frère est devenu un héros. Arnaud était-il déjà un modèle pour vous?
Cédric BELTRAME. – Oui, depuis tout petit. Il n’avait pas peur de se battre. Et en grandissant, sa force de caractère s’est affirmée. Il était très sérieux dans ses études, ne buvait pas, ne fumait pas. Il était aussi capable d’écouter, d’apprendre auprès d’anciens. Et tellement amoureux de sa patrie! Il avait des posters de De Gaulle dans sa chambre, par exemple. Arnaud pensait qu’il était un des derniers chevaliers, qu’il aurait un destin exceptionnel: avant même qu’il ne soit militaire, c’était un héros en devenir.
Au Bataclan, il «y serait allé», vous avait-il dit…
Il se sentait concerné par tout ce qui touchait à la défense de la patrie. C’était vraiment son but dans la vie. S’il cherchait à devenir général, par exemple, ce n’était pas par carriérisme, mais parce qu’il pensait que c’était la meilleure façon de servir la France. La perte des repères, des valeurs, le laxisme par rapport au discours salafiste, les banlieues, il en parlait énormément et disait «Moi je suis prêt; s’il y a quelque chose, j’y vais!».
On a beaucoup évoqué la foi de votre frère, et son appartenance, parallèlement, à la franc-maçonnerie. Comment vous en parlait-il?
Arnaud a toujours recherché des réponses. Il cherchait sa lumière, son étoile polaire. C’était quelqu’un de cérébral, intelligent, cultivé, qui s’intéressait aux humains. Damien et moi, on avait tendance à le titiller sur sa foi. Un jour, en randonnée, j’étais assoiffé et on a fini par trouver une fontaine surmontée d’un Christ. Il m’a lancé: «Tu vois, Jésus t’a sauvé!». Mais il n’était pas du tout prosélyte. Deux facteurs l’ont fait se tourner vers la franc-maçonnerie: d’abord, nous avons des francs-maçons dans notre famille, ensuite, en termes de carrière, c’était important. Si le Pape lui-même a honoré Arnaud, sans que cela ne le dérange qu’il soit franc-maçon, c’est la plus belle réponse: la foi et la franc-maçonnerie ne sont pas antinomiques.
«Après toutes les missions qu’il a pu avoir, en Afrique, en Irak… tout cela combiné faisait qu’il connaissait les risques, qu’il était entraîné pour tous les dangers»
Cédric Beltrame
Vous avez eu accès à certains éléments de l’enquête. Que disent-ils de ses deux heures de huis clos avec le terroriste?
On voit qu’Arnaud avait un plan avant d’entrer dans le supermarché. Il a d’abord essayé de joindre sa femme, donc il savait ce qu’il faisait, et voulait la prévenir. Il dit aussi à ses hommes: «barrez-vous, je ne veux pas mourir!». Apparemment il était très calme. Un des seuls points d’ombre, c’est ce qui s’est passé précisément lors de l’assaut. Ses derniers mots en tout cas ont été: «Attaque, assaut, assaut!». Je pense qu’Arnaud attendait une ouverture, il a tenté le tout pour le tout.
Vous insistez sur le fait qu’il ne s’agit absolument pas d’un sacrifice…
C’est pour cela que nous avons écrit ce livre. Après toutes les missions qu’il a pu avoir, en Afrique, en Irak… tout cela combiné faisait qu’il connaissait les risques, qu’il était entraîné pour tous les dangers. Et quelques mois auparavant, il y avait eu une simulation d’attaque terroriste dans un supermarché. Jusqu’au bout, il a attaqué, il a voulu neutraliser le terroriste. Comme il était catholique, qu’on était juste avant Pâques, qu’il était né à la Saint-Parfait, certains ont un peu tout mélangé, et y ont vu un sacrifice. Mais quand on se sacrifie, on ne crie pas «assaut!». Nous, c’est le militaire que l’on voit. Rester aussi longtemps face à un tueur armé d’un pistolet et d’un couteau, c’est vraiment le courage ultime! Il était tellement déterminé! Je ne pense pas qu’il imaginait qu’il allait mourir.
Vous omettez délibérément de citer le nom du terroriste. Pourquoi? Qu’éprouvez-vous vis-à-vis de lui?
Le combat contre le terrorisme commence par le maintien dans l’anonymat des bourreaux de Daech. Quand on cite partout le nom des terroristes, tous les gens qui ont des idéaux mortifères peuvent s’y raccrocher, et les prendre pour des héros. Pour nous c’était hors de question: c’était un petit dealer, un déchet de la société. On n’allait pas donner de l’importance à ce pion, qui n’est qu’une fourmi dans l’organisation du terrorisme. Je n’éprouve rien vis-à-vis de lui. Ce qui m’inquiète le plus, ce sont ces Français qui, comme on l’a vu depuis les attentats de Toulouse, basculent dans le terrorisme islamiste. On n’a pas réagi suffisamment fort ni suffisamment vite. On n’a pas réussi à enrayer la mécanique. C’est d’ailleurs ce qui hantait Arnaud: combien de terroristes en devenir a-t-on maintenant en France? Et comment lutter contre cette violence aveugle?
«Arnaud ne nous appartient plus, c’est un héros national. Tout le monde s’y retrouve; catholiques, francs-maçons, militaires ou simple citoyens français»
Vous avez inauguré des places, des rues, des collèges au nom d’Arnaud Beltrame. Comment vivez-vous cela?
Aujourd’hui, il existe plus de 120 plaques en son honneur. Cela nous fait chaud au cœur et nous aide à tenir, tous ces hommages qui viennent de partout en France. Tous les discours montrent que les gens ont compris le geste de notre frère: ils parlent du dépassement de soi, de l’amour de la nation, de la solidarité. Arnaud ne nous appartient plus, c’est un héros national. Tout le monde s’y retrouve; catholiques, francs-maçons, militaires ou simple citoyens français. Nous espérons que les générations à venir porteront à leur tour le flambeau.
Quand on voit aujourd’hui les forces de l’ordre victimes de violences lors des manifestations de «gilets jaunes», qu’il y a des cagnottes qui se montent pour soutenir un boxeur de gendarmes, qu’est-ce que ça vous inspire?
Il y a une ligne rouge à ne pas franchir. Je suis outré! L’Arc de triomphe tagué? Arnaud serait horrifié. J’ai envie de dire: imaginez que celui que vous tabassez au sol, c’est Arnaud Beltrame! Un homme qui en cas d’attentat serait prêt à mourir à votre place!
La mort de votre frère est «un legs qu’il nous appartient de faire fructifier», écrivez-vous. Un héritage lourd à porter, aussi?
La portée du geste d’Arnaud, on la comprendra peut-être dans quelques années. Cela dépendra de la façon dont évoluera le combat contre le terrorisme islamiste, de comment la France arrivera à redevenir une grande nation… Il est temps de se sentir français et de construire un avenir ensemble, en regardant dans la même direction, et non pas en «vivant face à face», selon les mots de l’ancien ministre de l’Intérieur Gérard Collomb. J’espère que le nom d’Arnaud Beltrame résonnera longtemps comme celui d’un héros. Est-ce que son geste va susciter de nouvelles vocations? On reçoit en tout cas beaucoup de témoignages. S’il a suscité une vocation, ne serait-ce qu’une seule, et si cette vocation, un jour, sauve une vie, alors nous sommes apaisés.
* Editions Grasset.
Source :
http://premium.lefigaro.fr/actualite-france/2019/01/16/01016-20190116ARTFIG00239-cedric-beltrame-mon-frere-arnaud-ne-s-est-absolument-pas-sacrifie.php

happywheels

3 Commentaires

  1. roni dit :

    la seule erreur qu il a fait c est negocier avec le terroriste on ne negocie pas avec les terroristes islamistes..
    il s est desarme pour pouvoir discuter…
    attentat dans supermarche ou centre commerciaux il y en aura….

  2. stop ou encore dit :

    il ne faut jamais négocier avec les terroristes il faut tout de suite les tuer c est la seule solution au problème ou la méthode russe.

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