Cassis : le capitaine qui avait crié « Allah Akbar » voulait « blaguer »

Fin juillet, l’affaire avait déclenché un vent de panique sur le port de Cassis suivi d’un (relatif) tourbillon médiatique. Puis dans le flot de l’actualité chargée du mois d’août, elle est tout aussi rapidement tombée aux oubliettes… On parle là de l’arrestation de trois hommes après que l’un d’eux a hurlé à plein poumons « Allah Akbar ! », au micro de son yacht de luxe de 25 mètres de long, voguant à proximité de la calanque de Port-Miou.
Redoutant une attaque djihadiste sur ce site très fréquenté en été, dix jours seulement après l’attentat de Nice, des familles avaient aussitôt détalé avec leurs enfants sous les bras, jusqu’à provoquer quelques bousculades. D’autres, moins affolés, se sont contentés d’alerter les secours.
« J’ai compris que c’était une connerie »
Interpellés sur la terre ferme par les gendarmes, les trois protagonistes, un capitaine et deux matelots, seront immédiatement placés en garde à vue. « C’est un comportement irresponsable, » pestait alors le parquet de Marseille, écartant par ces termes choisis toute motivation terroriste. Au final, seul l’auteur du hurlement se verra déféré devant le procureur et mis en examen pour « violences avec armes par destination » (la peur suscitée étant assimilé à des violences, le bateau jouant le rôle de l’instrument). Après avoir demandé un délai pour préparer sa défense, il a finalement été remis en liberté sous contrôle judiciaire moyennant une caution de 5 000 euros, avec interdiction de naviguer jusqu’à son jugement.
C’est peu dire : son profil n’a rien de radical. Âgé de 50 ans, Jean-Christophe F. est le gérant d’une société de location de navires de plaisance ayant pignon sur rue à Cassis. Contacté hier, ce personnage haut en couleur, très apprécié dans sa ville, reconnaît d’emblée « un mauvais canular fait dans un mauvais contexte ». « Ce soir-là, après avoir reçu l’autorisation des autorités, je naviguais en attendant de recharger du gasoil », raconte-t-il, comme j’ai des amis qui font du paddle dans la calanque et que j’étais assez loin du bord, j’ai voulu leur dire bonjour. Ils connaissent ma voix. J’ai alors crié au micro ce lapsus (sic) sans réfléchir : ‘Allah Wouakba’ – et pas Akbar – comme j’aurais pu dire n’importe quoi d’autres ! Quand j’ai vu desgens partir en courant, j’ai compris que j’avais fait une connerie. Et de tonner, ulcéré : « Je n’ai pas imaginé une seconde que cette affaire prendrait de telles proportions ! On m’a dit qu’il y avait eu une alerte la veille sur cette zone… Je ne pouvais pas savoir… Il faut arrêter les bêtises ! Je suis un travailleur qui se lève chaque matin, pas un terroriste ! » . Problème : dans un climat terriblement anxiogène, cet ostentatoire « Dieu est le plus Grand » – une phrase qui n’a rien de terrorisante en soi – n’a pas manqué de susciter l’effroi et l’ire de d’une poignée de baigneurs. Selon le journal La Marseillaise, cinq personnes présentes ce jour-là à proximité de la scène se sont depuis constitué parties civiles.
« Traité comme Carlos ! »
« J’ai déjà payé au prix fort », se désole le capitaine, qui ne s’était pas exprimé jusque-là. On m’a traité comme si j’étais Carlos ! J’ai fait 72 heures de garde à vue et je me suis retrouvé 13 heures dans une cellule qui sentait la pisse… ». Et de ruminer : « Tous mes employés savent que je suis quelqu’un qui aime rire. Mais de nos jours, si tu plaisantes sur une femme, tu es sexiste. Si tu te moques d’un homo, tu es homophobe. Là, j’ai visiblement rigolé avec quelque chose qu’il ne fallait pas. Qu’est-ce que vous voulez que je vous dise de plus ? Je m’en excuse… ».
Des arguments qu’il aura le loisir de développer, très sérieusement, le jour de son procès. Il a été fixé au 7 septembre.
Source :
http://www.laprovence.com/article/edition-marseille/4084255/le-capitaine-qui-avait-crie-allah-akbar-voulait-blaguer.html