ZEMMOUR ,PETAIN ET LES JUIFS :Le 13 Octobre 2014 Thomas Liabot interview Alain MICHEL

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Pour notre part nous avons choisi un paragraphe (toujours d’actualité)de cette discussion : « Je pense que ce qui caractérise cette période, c’est avant tout l’indifférence totale des Français. Les gens n’avaient rien à faire du sort des juifs, cela ne les dérangeait pas trop, parce qu’il existait une ambiance antisémite en France et en Europe depuis les années 1930 environ. »

« Le livre de Zemmour ne me concerne pas »
INTERVIEW – Historien français et rabbin vivant en Israël, Alain Michel est l’auteur de Vichy et la Shoah, enquête sur le paradoxe français, dont les idées sont largement reprises par Eric Zemmour. Il plaide pour que s’ouvre un « débat historique » sur la question, jugeant que le l’historiographie de la Shoah est figée en France.
Thomas Liabot13/10/2014 à 19:05, Mis à jour le 19/01/2023 à 00:48
Eric Zemmour reprend vos idées au service d’un ouvrage très politique et idéologique – Le suicide français. N’est-ce pas gênant pour l’historien que vous êtes?
Je ne suis pas responsable de l’utilisation que l’on fait de ce que j’avance, à partir du moment où l’on ne déforme pas ce que j’écris. Le livre d’Eric Zemmour reprend ses idées, ses approches, et cela ne me concerne pas. Je n’aurais pas fait la présentation de cette manière-là, concernant le chapitre sur la France de Vichy. Zemmour parle comme le polémiste qu’il est. Mais il respecte globalement l’approche qui est faite dans mon livre. Je n’ai pas à censurer quelqu’un en raison de ses idées tant que cela reste globalement dans le consensus démocratique.
Peut-on dire, comme Eric Zemmour, que « Pétain a sauvé 95% des juifs français »?
Non, ce n’est pas Pétain mais le gouvernement de Vichy. Cette politique – approuvée par Pétain – a été essentiellement menée par Pierre Laval, secondé par René Bousquet. Pétain était quelqu’un qui avait un vrai fond d’antisémitisme, qui n’existait pas, à mon sens, chez Laval et Bousquet. L’expression de Zemmour est maladroite. Il aurait fallu dire « entre 90 et 92% », et contrairement à ce qu’affirme Serge Klarsfeld, je ne pense pas que l’on puisse attribuer ces chiffres à la seule action des « Justes parmi les nations », mais principalement à la politique appliquée par le gouvernement de Vichy, qui a freiné l’application de la solution finale en France.
Existe-t-il une doxa paxtonienne (du nom de Robert Paxton, historien américain dont les recherches sur la France de Vichy font référence), comme le répète Eric Zemmour?
Oui, je pense qu’il a tout à fait raison de ce point de vue-là, malheureusement. Depuis le début des années 1980, il est très difficile d’exprimer des idées sur le plan historique qui vont à contre-sens de la pensée de Paxton. Certains chercheurs ont arrêté de travailler sur le sujet, car le poids de cette doxa les empêchait de travailler librement. C’est un problème sur le plan de la recherche historique. On peut être en désaccord sur ce que j’écris dans mon livre – considérer que la vérité est plus du côté de Paxton ou Klarsfeld – mais le débat historique doit être libre. Il ne l’est pas aujourd’hui en France.
Les ouvrages de Leon Poliakov (Bréviaire de la haine : le IIIe Reich et les juifs) et Raul Hilberg (La destruction des juifs d’Europe), auxquels vous vous référencez, sont anciens, et ont été écrits sans qu’ils aient eu accès à l’ensemble de la recherche sur le sujet, ce que vous reproche Paxton notamment…
C’est une inexactitude totale. Poliakov est revenu sur ses écrits en 1989, écrivant à nouveau que Laval n’avait jamais été antisémite. C’est l’historien de l’antisémitisme, je pense que l’on peut lui accorder un certain crédit. De la même façon, Hilberg a publié trois éditions de son livre. Il cite d’ailleurs Paxton et Klarsfeld à titre documentaire seulement, et jamais concernant leur analyse, ce qui montre bien son désaccord avec eux.
Que répondez-vous à Robert Paxton, qui affirme que vous n’êtes pas un historien sérieux?
Un historien sérieux n’est pas là pour distribuer les bonnes et mauvaises notes aux autres chercheurs. Il doit amener des faits. Dans son interview à Rue 89 , il y a une série d’erreurs stupéfiantes, notamment sur les dates des déportations en France, où sur la durée de l’occupation en France et en Italie… Le gouvernement de Vichy avait bien sûr beaucoup de torts, était antisémite, mais je pense qu’il faut rééquilibrer la question et cesser de faire un récit en noir et blanc, qui diabolise Vichy et innocente les Français.
Que voulez-vous dire?
Je pense que ce qui caractérise cette période, c’est avant tout l’indifférence totale des Français. Les gens n’avaient rien à faire du sort des juifs, cela ne les dérangeait pas trop, parce qu’il existait une ambiance antisémite en France et en Europe depuis les années 1930 environ.

Qu’implique un « réexamen du régime de Vichy », que vous appeliez de vos voeux dans votre livre?
Il y a encore des archives non utilisées, ni consultées. Il faut réfléchir à nouveau à ce qu’il s’est passé durant ces années, analyser l’action de Vichy avant de poser des condamnations absolues. Je déteste les dirigeants de Vichy et n’ait aucune sympathie pour ces gens-là, mais je suis historien et nous ne faisons pas un travail d’avocat à charge. Nous devons déterminer le cours des événements et ce qu’a été la vérité historique.
Comment dire que Vichy a « protégé la majorité des juifs français », quand le statut des juifs de 1940 et 1941 les excluait de la plupart des professions et les condamnait à la misère, avec un statut de citoyen de seconde zone?
Le statut des juifs les a affaiblis quand la solution finale s’est déclenchée. Que cela ait eu des conséquences indirectes, c’est une chose, mais ce n’est pas pour ça que l’on peut dire que Vichy a sacrifié des juifs français. Le statut des juifs était antisémite, mais n’avait aucune volonté d’extermination. Il y avait en revanche une forte xénophobie vis-à-vis des juifs étrangers, et en répondant aux demandes allemandes pour livrer ces gens-là, Vichy s’est rendu complice de leur extermination.
Les enfants victimes de la rafle du Vel d’Hiv étaient, pour la plupart, nés en France et déclarés Français…
La majorité des adultes étaient des juifs étrangers, et la question de leurs enfants s’est logiquement posée. Les Allemands se sont en effet aperçus qu’ils n’allaient pas remplir leurs objectifs et ont décidé d’incorporer les enfants, sur une idée de Theodor Dannecker, le bras droit de Eichmann à Paris. L’administration française n’a appris ces changements qu’au dernier moment, et elle a dû s’y plier en vertu des accords signés avec l’occupant. Cette question est donc directement liée à la volonté allemande, même si l’administration française a participé à cet acte absolument horrible.
Vous estimez que l’historiographie de la Shoah est figée, que voulez-vous dire?
Certaines conceptions sont devenues des classiques, et on les enseigne dans les écoles et à l’université. Contrairement à l’Allemagne, Israël ou les Etats-Unis, où des débats existent sur la question de la Shoah, tout le monde parle d’une même voix en France. C’est devenu un problème affectif et idéologique. Il faut rendre cette question à l’histoire, car même si la mémoire est évidemment très importante, elle ne doit pas empêcher l’histoire d’avancer.
Source: leJDD.fr

Alain Michel est un historien franco-israélien, né le 13 mai 1954 à Nancy[1], qui vit en Israël depuis 1985. Il est également rabbin du mouvement Massorti et dirige la maison d’édition Elkana, qu’il a créée en 2003. Il est spécialiste du scoutisme juif et a publié sur les Juifs dans la France de Vichy.
Son ouvrage Vichy et la Shoah : enquête sur le paradoxe français, contraire à l’historiographie, est critiqué par les spécialistes du régime de Vichy et de la Shoah

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3 Commentaires

  1. Alex dit :

    Voici ce que dit Serge Klarsfeld à ce sujet :
    https://youtu.be/NQQV3iAwu-c?si=0Jl7JjwDLemeA2D9&t=392

  2. Gilles De Hann dit :

    Alain Michel propose de revisiter le rôle de Vichy dans la Solution finale. Il entend démontrer que Vichy, certes, livra les juifs étrangers volontairement, mais qu’il réussit, non moins volontairement, à protéger la plus grande partie des juifs français, juifs de souche ou naturalisés d’avant 1920. Une vieille histoire. L’auteur renoue là avec les vieilles thèses de Robert Aron et efface tous les travaux publiés depuis les années 1970 Michaël Marrus et Robert Paxton, Serge Klarsfeld, Jean-Pierre Azéma….

    Pour ce faire, Alain Michel revisite d’abord la statistique de la déportation des juifs de France, calculant que si au moins 35 à 38 % des juifs étrangers 69 000, soit 86 % des victimes furent assassinés, ce pourcentage est de 7,5 à 8,5 % des juifs français 11 000, 14 % des victimes. Ces derniers furent donc moins touchés, et plus tardivement. Il explique ensuite ce destin contrasté, et offre une nouvelle lecture des divers marchandages entre les hautes autorités de l’État français, Laval notamment, et les nazis. Un Laval que l’on voit ici intervenir sans cesse pour protéger les Français juifs.

    C’est ici que le bât blesse. Présentant la politique de Laval à l’été 1942, Alain Michel explique que celui-ci « était tout à fait sincère dans son désir de trouver enfin une solution à la question des juifs étrangers et que Vichy avait sauté sur l’opportunité proposée par les Allemands » : la réinstallation à l’Est. Bref, une solution migratoire comme celle qu’avaient imaginée les nazis dans un premier temps. Certes, nul n’imaginait vraiment le sort de ces transportés. Mais, à partir des rafles de l’été 1942, certains surent imaginer le pire.

    Tous les juifs – français et étrangers – furent soumis à la politique discriminatoire de l’État français. Ils furent également recensés, et leurs biens « aryanisés ». Ils furent exclus de la société. La zone d’abord libre, puis sud constitua effectivement un refuge, et quand Vichy renâcla à être l’auxiliaire zélé des nazis dans leur politique d’effacement des juifs de l’Europe, les choses devinrent plus difficiles. Mais les Allemands avaient bénéficié de l’aide des forces de l’ordre françaises pour interner à Drancy dès août 1941 des Français désignés comme juifs.

    C’est un fait : presque 80 000 juifs de France furent déportés avec la complicité de Vichy.

  3. Franccomtois dit :

    Moi perso Zemmour me fatigue avec ses références historique en continue.Pour le petain qu´il arrête,il ne fût qu´une ordure pour la France et aussi pour les pauvres gens qui s´étaient réfugiés chez nous!!!
    🙏✝✡💪👍

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