Philippe Douroux, fils de Waffen SS : «Toute ma vie, j’ai vécu avec cette question : est-ce que mon père a participé à des massacres?»

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Dans Un père ordinaire, l’ancien journaliste Philippe Douroux éclaire le rôle des volontaires français, dont son père, aux côtés des combattants nazis et leur participation à des massacres. Un livre appelé à faire date.
e la date exacte, Philippe Douroux ne se souvient plus. C’était un dimanche soir du printemps 1972, il avait alors 17 ans. Son père, plutôt avare en confidences, avait soudain quelque chose à lui dire. « Pendant la Seconde Guerre mondiale, j’ai combattu aux côtés des Allemands… » S’en est suivi un long silence. Devenu journaliste, puis rédacteur en chef à Libération, Philippe Douroux a toujours vécu avec ces questions : pourquoi des Français se sont engagés auprès des Allemands sur le front de l’Est ? Et surtout, qu’ont-ils fait ? Il existait déjà des livres sur le sujet mais de mémorialistes nostalgiques qui présentaient ces combattants comme de valeureux aventuriers, simplement partis combattre le bolchevisme dans un froid polaire. Dans Un père ordinaire (Flammarion), Philippe Douroux révèle plutôt le rôle de ces volontaires auprès des combattants nazis et leur complicité dans l’exécution de plusieurs massacres. Un méticuleux travail de recherche d’archives, dont le résultat est cet ouvrage passionnant à l’écriture fluide, appelé à faire date.

L’idée de ce livre vous habite depuis longtemps ?
Philippe Douroux : Depuis longtemps, je me pose cette question : qu’est-ce que c’était que leur guerre, pour les membres de la LVF (Légion des volontaires français) comme mon père ? Qu’est-ce qu’ils ont fait ? Est-ce que mon père, celui qui m’a élevé, a participé à des massacres et notamment à ce qu’on appelle aujourd’hui la Shoah par balle ? Je savais que ce serait une enquête énorme de tenter de répondre à ces questions. Journaliste, j’ai fait de nombreuses enquêtes, qui pouvaient durer parfois deux mois, trois mois. Mais ce livre, c’est six ans de travail.
Il a donc fallu un déclic. Il est arrivé par hasard, lors de ma rencontre avec Johann Chapoutot. Il est historien, je l’ai interviewé pour Libération, en 2015. Je l’interrogeais sur la fascination des Allemands pour la Grèce. Et à la fin de l’entretien, je lui parle de ce sujet, de la collaboration militaire des Français pendant la Seconde Guerre. Je lui ai demandé pourquoi il n’y avait pas de travaux d’historiens. Et avec un sourire, il me dit : « Ce livre, c’est à toi de l ‘écrire. » Ça a déclenché quelque chose en moi, je me suis senti autorisé. Je me suis mis au travail dès 2018, après mon départ de Libération. Là, je n’avais plus d’excuses.
Qu’est que la Légion des volontaires français contre le bolchevisme, la LVF ?
Le 22 juin 1941, l’Allemagne lance l’opération Barbarossa : une offensive généralisée contre l’URSS sur trois fronts. Les partis fascistes français se disent qu’il faut accompagner cette armée qui se met en branle pour combattre le bolchevisme. L’objectif alors, c’est de défiler au côté de l’armée allemande à Moscou. C’est le seul but qu’ils ont en tête.

Qui sont les premiers volontaires ?
Il y a un peu n’importe qui. Beaucoup de paumés. On dit que l’hospice de Charenton à Paris a vidé ses chambres. Il a aussi ceux qui viennent pour se faire un peu d’argent. D’autres sont tentés par une aventure guerrière. Et puis il y en a, je ne sais pas quelle est la proportion exacte, mais qui sont de vrais convaincus. Des fidèles militants fascistes, ennemis du bolchevisme.
Même pour les officiers, on prend un peu n’importe qui. Par exemple Rémy Ourdan : il est officier de Marine marchande et on le balance officier d’artillerie quand bien même il ne sait pas du tout ce qu’est un canon. Mais ce n’est pas grave, on y va.

Avant d’être envoyés, les volontaires sont regroupés à Versailles. Mais là, il ne se passe rien. Les volontaires attendent…
Ils n’ont pas le droit de s’entraîner avec des armes sur le territoire français, ordre de l’Allemagne. Donc grosso modo, ils ne font rien. On leur propose tout de même de faire un quart d’heure de culture physique chaque matin, c’est pour dire.
Vous racontez une scène presque comique : les troupes traversent l’Europe, se retrouvent en Pologne. Et une inspection va mal se passer…
Des soldats doivent déplacer un canon de 150mm. Sauf qu’ils ne connaissent pas les chevaux. Ils n’ont jamais travaillé avec. Évidemment, ils s’embourbent très vite et ne sont pas capables de sortir le canon de la boue. Ils tirent un peu n’importe où, n’importe comment. Et tout le monde applaudit. L’un d’eux le dit plus tard : « On a fait du cinéma ».
Ces soldats qui n’en sont pas vraiment vont se retrouver en première ligne…
L’Allemagne est à bout et les Français doivent combattre, en décembre 1941, à Diut’kovo en Russie, dans des conditions – de froid notamment – très difficiles. C’est une boucherie parce qu’ils ne sont pas capables de mener une opération coordonnée. Il n’y a pas de préparation d’artillerie et on envoie pratiquement deux compagnies à découvert. Il faut s’imaginer les grandes plaines en Russie, recouvertes de neige. Et ces soldats, sans tenue de neige, ne sont plus que des points noirs à viser.
La puissance de la propagande fait qu’on racontera ensuite à Paris que cette opération était un succès formidable. Les soldats français auraient fait l’admiration des soldats allemands… En fait, des mômes sont allés mourir à Diut’kovo pour rien ou à cause d’une bravoure mal placée. Cet épisode est pitoyable.

Certains des engagés vont alors faire demi-tour. On accepte qu’ils rentrent en France ?
Oui, c’est assez étonnant. Mais il faut savoir que la Wehrmacht renvoie énormément ces « politiques » ou ces « vieux » pour incompétence. Les Allemands acceptent de repartir au front avec des Français, mais s’ils sont vraiment formés. Donc, on les forme et on décide aussi de ne plus les envoyer en première ligne. Ils vont donc combattre à l’arrière.
Qu’est-ce qui explique les premières difficultés de la LVF outre l’inexpérience de tous ces volontaires qui partent de la fleur au fusil ?
Les divisions politiques. Il y a trois partis fascistes qui participent à la LVF. Le Parti Populaire Français (PPF) de Jacques Doriot, qui domine. Le Rassemblement National Populaire (RNP) de Marcel Déat. Et enfin le Mouvement Social Révolutionnaire (MSR) d’Eugène Deloncle. Mais le PPF veut tout contrôler. D’ailleurs, Doriot part sur le terrain. Et il s’organise pour que le premier bataillon soit entièrement PPF. Mais les tensions entre ces partis, surtout au début, sont parfois violentes. Les premiers morts au sein de la LVF, ce sont des Français qui tuent des concitoyens. C’est absurde.
Shoah par balles
La LVF va donc être chargée par les Allemands de la chasse à la résistance russe en Biélorussie…
La chasse, c’est le bon terme parce qu’il donne bien cette idée de chasseur et de gibier. Les hommes, les femmes et les enfants qui soutiennent les poches de résistance de l’Armée rouge deviennent des gibiers. Pour l’Allemagne, l’idée au départ de cette offensive vers la Russie en passant par la Biélorussie ou encore l’Ukraine, c’est de conquérir l’espace vital qui va leur permettre de nourrir l’ensemble de la population allemande. Cela passe par l’expulsion, l’expropriation, de toutes les populations qui s’y trouvent. L’extermination aussi, des juifs notamment, sans attendre les camps de concentration. C’est la Shoah par balle. Au départ, l’avancée allemande est très rapide et il reste à l’arrière des poches de résistance de l’Armée rouge, munies parfois d’artillerie légère. Les LVF vont être chargés de traquer ces poches de résistants et leurs soutiens.
Vous répondez à la question de l’implication des soldats français à des massacres aux côtés des soldats allemands. Pour vous, c’était la question cruciale ?
Oui. J’étais horrifié par cette légende, montée par des hagiographes de la LVF qui ont présenté ces volontaires comme de valeureux combattants partis se battre contre le communisme. C’est odieux de soutenir ça.
J’ai donc voulu être très rigoureux sur leur participation à des massacres. Je me suis focalisé sur quatre d’entre eux, presque tous en Biélorussie, où je me suis rendu. D’abord Kommunary en septembre 1942, une pure opération de Shoah par balle où les Français sont indéniablement présents. Est-ce qu’ils ont participé ? Je ne peux pas dire qu’ils ont tiré eux-mêmes, je ne crois pas, mais ils ont assisté, ils ont vu, ils ont su. Ensuite, Karlsbad en octobre 1942. Les Français vont seconder les Allemands, et notamment le brigade spéciale SS de Karl Dirlewanger. C’est une boucherie épouvantable, en deux jours, 15 000 hommes, femmes et enfants sont massacrés dans la région. Il y a aussi le camp de Kruszyna qui se trouve lui en Pologne, en décembre 1942. Des Français massacrent une centaine d’ouvriers juifs qui viennent d’achever la construction du camp. Enfin, Sych et Chernevichi, en Biélorussie, en janvier 1943. Deux villes qui seront totalement incendiées, leurs habitants tués.
Malgré les premières défaites allemandes fin 1942, début 1943, il y a toujours des Français prêts à s’engager dans la LVF. C’est le cas de votre père…
Il s’engage en mars 43, après la défaite de Stalingrad. S’il y va, c’est parce qu’il est gonflé de haine. Les volontaires avaient la conviction que l’Occident était au bord du gouffre, que le bolchevisme allait tout balayer, que c’était le seul espoir de sauver la civilisation européenne.
Mon père baigne aussi dans une ivresse guerrière. Il est par exemple très marqué par la lecture d’Ernst Jünger. Dans le livre, je reprends aussi cette phrase de Montherlant dans son premier roman, Le Songe : « Je mourrai en feignant de croire que ma mort sert. » Tous sont empreints d’un pur romantisme guerrier. C’est une folie de penser que tuer l’adversaire, si possible le plus méchamment possible, va permettre de sauver leur vision du monde. Et peu importe s’ils y perdent la vie. Mon père va ainsi combattre jusqu’au bout. Il rentre dans Berlin le 24 avril 1945. Il sait qu’il va dans la gueule du loup, mais il y va.

Votre père va réussir à s’échapper de Berlin et à retrouver la France. Mais ce n’est qu’en 1972, quand vous avez 17 ans, qu’il se décide à vous parler. Pourquoi ?
À cause d’un pasteur, quelqu’un d’important chez nous, les protestants. Le pasteur lui a dit qu’il devait parler à ses enfants. Ça n’effacera rien, mais il le doit. À moi, ce pasteur m’a dit que je devais parler avec mon père de la violence. J’ai 17 ans alors, un âge où les protestants font la confirmation et entrent dans la vie d’adulte.

Avait-il des remords ?
Non, aucun. J’ai attendu qu’on parle sérieusement de ces choses. Mais la discussion sur le fond n’a jamais eu lieu. En même temps, j’avais du mal à l’écouter. Une fois, il m’a tendu une photo sur laquelle il porte sa tenue militaire. Mais j’ai senti chez lui de la gloriole. Son témoignage était épouvantable parce qu’il me parlait du froid, il se plaignait de ne pas avoir suffisamment mangé. Mais enfin, en février 1944, on libère Auschwitz. C’était tout à fait déplacé.
À mes 20 ans, je lui ai posé la question de l’antisémitisme. Mais il m’a envoyé bouler comme toujours, en signifiant que ce n’est pas un sujet que je pouvais aborder comme ça, que je n’avais pas vécu ce qu’il avait vécu. C’était une autre époque…
« Une vraie solidarité après guerre »
Avant cette révélation à 17 ans, vous aviez des doutes ?
À la maison, il y avait un peu de presse d’extrême-droite. Le Crapouillot, Minute, plus tard Valeurs Actuelles. Mais quand vous êtes enfant, ça ne vous dit pas grand chose… Les livres arriveront un peu après. Mourir à Berlin [livre de Jean Mabire sur la fin de la guerre à Berlin dans les rangs de la division charlemagne, division de la Waffen-SS essentiellement composée de volontaires français], par exemple, qui date de 1975, était à la maison. Mais il n’y avait pas une glorification de la SS ni de croix gammée chez nous. Mon père se planquait plutôt à l’époque.
Avec vos recherches, vous découvrez que certaines personnes qui venaient déjeuner ou dîner chez vous, quand vous étiez plus petit, étaient d’anciens combattants de la LVF.
La plupart, de ceux qui sont venus dîner chez nous, avec qui on est parti en vacances, étaient des anciens volontaires. Il y a eu une vraie solidarité après guerre. La légende veut qu’ils se réunissaient notamment dans une brasserie près de République, en Allemagne ou vers Fréjus aussi. Je crois qu’aujourd’hui, des fils d’anciens se retrouvent encore.
Votre livre parle finalement peu de votre père. Il y a beaucoup de distance avec cette figure paternelle, que vous n’appelez jamais « papa ». Vous n’avez pas envisagé de faire un livre plus personnel sur cette relation ? Un livre qui serait peut-être plus littéraire ?
Non, parce que ça a déjà été fait. Sorj Chalandon a fait un beau livre là-dessus [Enfants de Salaud, Grasset, 2021]. Moi, je n’ai pas le talent de Sorj. Et surtout, je voulais répondre à la question « qu’est-ce que la LVF a fait en Biélorussie ». Mes camarades de Libération le savent, je suis un enquêteur. Jusqu’à la folie. Dresser une liste de 10 000 combattants, de 20 000 collaborateurs de près ou de loin… Mes amis me disent que je suis obsessionnel, mais je pense qu’il faut l’être pour faire ce travail.
Source
https://www.vanityfair.fr/

happywheels

4 Commentaires

  1. Franccomtois dit :

    Lhistoire ce répete,voir l´Ukraine aujourd´hui que certains politique allemand lorgnent avec certaines crapules francaise pour les suivre entre autre!
    Militaires ukrainien avec des tatouages nazis qui furent entrainés sur le sol de France en dit long!Antisémitisme galopant en Europe,un gars qui se dit président qui veut tout faire pour mettre á mal Israel et n´oublions pas nos S.A bien de gauche protégés par l´état,voir les états de nombreux pays européen.Von der layen a la main mise sur tout cela,y a de quoi se poser des questions sur cette femme et sur celles et ceux qui la soutiennent 😡!!!!
    Je ne suis pas un spécialiste en histoire,mais l´obssession sur les russes,sans oublier les juifs et les chrétiens et ceci en passant par l´Ukraine et surement une future division Legion « Freies Arabien » ou la « 13e division SS Handschar » version 2025 qui s´implante pas si mal par les idées en Europe,tout cela file la trouille.
    🙏✝✡💪👍

  2. josué bencanaan dit :

    La majeure partie des soldats francais qui ont combattus dans la waffen SS ou la LVF, ont été employé sur le front Russe, les survivant ont été reversé dans la 33 SS division Charlemagne qui a pratiquement disparu durant la bataille de Berlin.
    A ma connaissance ces SS Français pour la plupart ont combattus contre les partisans Russes sur front de l’est et quelques unités sur le front ouest.
    Pour ce qui est du sujet, j’ai consulté beaucoup d’ouvrages sur les unités françaises de la waffen SS durant la guerre, tres peu de soldats ont été impliqué dans des massacres de civils, sauf pour des exécutions de partisans.
    J’ai une bibliothéque très fournis sur ce sujet a savoir les unités combattantes de la seconde guerre mondiale.

  3. Franccomtois dit :

    Nous pourrions presque mieux comprendre les dérapes odieux impunis
    de la LFI-NFP avec un tel soutien 🤬:
    -Manon Aubry se jette dans les bras de Ursula Von der Leyen et la félicite pour sa réélection
    https://youtu.be/Q5z9HZCP1bg

    Russes,israéliens,peuples judeo-chrétien d´Europe méditez sur la video ci-dessus,les rouges-bruns…..😡!!!
    Sinon voyez le dernier article de madame Thérèse Zrihen-Dvir sur RR 👍:Au secours, le monde est devenu fou !

    🙏✝✡💪👍

  4. David92 dit :

    Si Hitler n’avait pas été antisémite,n’aurait pas envahi la Pologne etc….beaucoup l’auraient suivi dans sa lutte contre contre le bolchevisme . D’ailleurs après la guerre, une autre guerre a pris place : la guerre contre le communisme..rappelons aussi le macarthysme……ce fut  » la guerre froide » .

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